La rentrée littéraire, vaste événement faisant débat! Certains l’attendent bouillants d’impatience, d’autres sont agacés par ce qu’ils jugent n’être qu’une opération purement commerciale. Ces prochains jours, je vais vous présenter quelques titres issus de cette rentrée qui compte pas moins de 524 romans !
J’ai lu «Le bal des folles » dans le cadre de mon rôle de jury dans le Grand Prix des lectrices Elle. Appartenant au jury du mois d’octobre, j’ai reçu en tout 7 romans à lire sur un mois et demi. Trois romans, deux policiers et deux documentaires. Avec ce livre publié aux éditions Albin Michel depuis hier, Victoria Mas, jeune auteure française de 31 ans, signe un premier roman.
Résumé:
Chaque année, à la mi-carême, se tient un très étrange Bal des Folles. Le temps d’une soirée, le Tout-Paris s’encanaille sur des airs de valse et de polka en compagnie de femmes déguisées en colombines, gitanes, zouaves et autres mousquetaires. Réparti sur deux salles, d’un côté les idiotes et les épileptiques ; de l’autre les hystériques, les folles et les maniaques. Ce bal est en réalité l’une des dernières expérimentations de Charcot, désireux de faire des malades de la Salpêtrière des femmes comme les autres. Parmi elles, Eugénie, Louise et Geneviève, dont Victoria Mas retrace le parcours heurté, dans ce premier roman qui met à nu la condition féminine au XIXe siècle.
Paris, 1885, Louise est une jeune hystérique de 16 ans vivant parmi les aliénées à l’hôpital de la Salpêtrière, dans le service du docteur Charcot. Elle est d’ailleurs ponctuellement désignée comme sujet d’étude et de curiosité examiné lors de séances d’hypnose. Une mise en lumière au milieu d’un auditorium rempli de médecins et d’internes, tous masculins bien entendu. Il y a aussi des écrivains, des journalistes, des personnalités. Car ces dames que l’on enferme sont un sujet de fascination. A l’instar de toutes ces figures, nous, le lecteur et spectateur, éprouvons de la curiosité à savoir réellement comment se déroule la séance.
En dehors des murs de la Salpêtrière, dans les salons et les cafés, on imagine ce à quoi peut bien ressembler le service de Charcot, dit le «service des hystériques». On présente des femmes nues qui courent dans les couloirs, se cognent le front contre le carrelage, écartent les jambes pour accueillir un amant imaginaire, hurlent à gorge déployée de l’aube au coucher.
Leur quotidien est en réalité rythmé par une routine excluant l’épanouissement !
A l’époque où le féminisme n’existait pas encore, les aliénées sont en fait principalement des femmes rejetées par leur famille et la société, des filles ou mères sortant du cadre. Des courageuses qui refusent de se soumettre aux règles imposées par les pères puis par les maris.
Victoria Mas dresse un portrait réaliste et poignant de ces rejetées de la société. Suivant l’une et puis l’autre, elle nous livre leur parcours, jusqu’au moment où, déplaisant, elles ont été internées.
Dans la famille des Cléry, il y a deux enfants: Théophile, le fils chéri et Eugénie Cléry, la jeune fille de 19 ans qui n’a aucune valeur pour son père. Celui-ci n’attend qu’une chose: la voir partir à la suite d’un beau mariage élevant cette famille d’origine bourgeoise. Sauf qu’Eugénie a d’autres aspirations, d’autres objectifs que d’être une maîtresse de famille et un utérus à employer pour de avoir de beaux enfants. Surtout que la jeune fille a un don: depuis ses 12 ans, elle voit les morts. Se confiant un jour à sa grand-mère paternelle qu’elle pensait son alliée, elle sera trahie et écartée de sa famille.
Révoltant, ce texte ne peut laisser indifférent. De fait, j’ai lu ce texte en apnée, prise par le style impeccable de cette primo-romancière.
En bref:
Incontournable de cette rentrée, à lire de toute urgence !