Critique de livres·Littérature belge

« Le silence des mères » de Sarah Bailleux

Publié aux éditions Empaj fin 2024, « Le silence des mères » est le premier roman de l’auteure belge Sarah Bailleux. C’est également le deuxième ouvrage de cette maison d’édition que je vous présente, après « Aux vents déraisonnables » de Christiana Moreau (pour en savoir plus, je vous invite à lire ma chronique).

Aujourd’hui, je vous propose de découvrir mon avis sur ce roman.

Agnès, 40 ans, professeure de dessin, vient d’apprendre qu’elle est enfin enceinte. L’annonce de cette future naissance réveillera les blessures de son passé. Des fragments du journal intime d’Heida, une gynécologue engagée dans la lutte pour le droit à l’avortement, chambouleront les certitudes. Quant à Irène, elle tentera de survivre après l’arrestation de son père par les soldats allemands durant la Seconde Guerre mondiale. Trois femmes. Trois époques. Trois destins.

Ce roman choral donne la parole à trois générations de femmes, explorant trois chronologies différentes qui s’entrecroisent avec finesse. Les thématiques abordées sont multiples et profondément humaines : l’identité, la filiation, la maternité, ainsi que ces choix de vie qui nous façonnent. L’intrigue, ancrée à Liège, résonne d’autant plus en moi, étant moi-même de cette région.

Parmi les trois personnages, c’est avec Agnès et Irène que j’ai le plus ressenti d’empathie.

Agnès, qui vient d’avoir 40 ans, tombe enceinte. Professeure d’illustration à Saint-Luc, elle est partagée entre la joie intense de cette nouvelle tant attendue et une certaine anxiété. Elle se confronte non seulement aux jugements que la société peut porter sur les grossesses tardives, mais aussi aux discours de certains praticiens plus pragmatiques, insistant sur les risques de handicap ou de complications. Ces peurs la submergent par moments, et son parcours m’a particulièrement touchée. D’autant plus qu’Agnès, bien que proche de sa grand-mère âgée aujourd’hui de 97 ans, a toujours entretenu une relation complexe avec sa mère.

Paradoxalement, même si je suis fatiguée, je déborde d’une énergie créatrice. Cette grossesse me donne des ailes. Il y a comme un soutien mutuel entre nous, je porte l’enfant et lui me tire vers le haut. J’ai l’impression de lever mon regard vers l’horizon après des années à fixer mes pieds et à errer sans réelle direction, simplement poussée par la routine du quotidien. Comme si ma boussole interne avait enfin retrouvé la bonne orientation et que ce bébé représentait le croquis final d’un brouillon laissé en suspens depuis mon enfance. Un projet de vie alors que je n’y croyais plus.

J’ai moins aimé Heida, malgré l’intérêt indéniable de son engagement en tant que gynécologue et de son combat pour le droit à l’avortement.

Il y a enfin Irène. Le récit se concentre sur sa vie durant la Seconde Guerre mondiale, une période sombre et compliquée pour cette jeune femme. Elle assiste, impuissante, à l’arrestation de son père, un communiste condamné par les soldats allemands, et se retrouve soudainement seule. Pour survivre, elle est engagée comme femme de ménage dans le Lebensborn de Soumagne. C’est sans doute la partie du roman où l’intensité dramatique est la plus forte.

« Le silence des mères » offre un voyage littéraire intéressant, où chaque page oscille entre émotions et réflexions sur l’identité et la transmission. Un livre bien écrit et prenant, qui met en lumière des femmes fortes, courageuses et résilientes.

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